Lundi 25 janvier 2016, par Catherine Sokolowski

Dilemme claudélien

Deux couples, une scène, un texte dense et lyrique sur le thème de l’infidélité, tels sont les ingrédients de “L’échange”, une création qui ravive l’éclat du bijou de Paul Claudel. Ce théâtre pur, sans artifice, offrant une place essentielle au texte, est réservé aux amateurs du genre. Pour certains, les dialogues paraîtront épuisants. D’autres apprécieront la confrontation des valeurs des quatre protagonistes et se réjouiront d’entendre le langage riche et subtil de Claudel remis à l’honneur.

Marthe (Aurélie Vauthrin), très croyante, passionnée, s’est mariée avec Louis pour la vie. Mais Louis Laine (Jean-Marc Amé) est épris d’indépendance et tombe amoureux d’une actrice émancipée, Lechy Elbernon alias Isabelle Renzetti. Le mari de Lechy, Thomas Pollock Nageoire (Philippe Rasse), homme d’affaire de Wall Street fonde, quant à lui, son bonheur sur l’argent jusqu’à ce qu’il découvre Marthe. Au passage, félicitons les acteurs pour leurs efforts de mémoire !

Tout ce petit monde s’entrecroise, s’épaule ou s’affronte, chacun proposant son chemin dans le dédale des relations humaines. Il ne s’agit pas de démontrer une quelconque culpabilité en fustigeant un comportement mais plutôt de comprendre le cheminement psychologique des personnages, qui tous apportent leur eau au moulin. Il est également possible d’envisager les protagonistes comme ne formant qu’un : quatre aspects complémentaires d’une même personne (Claudel) tiraillée entre devoirs et tentations.

Avec cette oeuvre intemporelle et moderne, alors même qu’elle est écrite en vers, Claudel aborde plusieurs thèmes toujours contemporains : la fidélité, le désir, le besoin de liberté. L’économie volontaire d’artifices renforce la profondeur du texte puisque l’attention n’est jamais distraite. Cependant, à contrario, certains pourraient regretter ce dépouillement. Ceux-là devraient plutôt revoir “Proposition indécente”, du réalisateur Adrian Lyne qui traite d’un sujet similaire mais de manière simplifiée (et beaucoup plus commerciale !). Alors Claudel versus Lyne, à vous de savoir, mais si vous penchez pour l’écrivain, il ne faut plus attendre !