La religion exige un vêtement. La jeune Julia Arbey se dresse, enfile une toge d’un rouge écarlate et la cérémonie commence. S’articulant autour d’une vingtaine de tableaux, Juste Ciel aborde la question du divin et de son expression à travers l’universalité du corps. Les affaires religieuses sont difficiles à traiter par la langue, parce qu’elles se nouent souvent autour d’un rapport très secret entre le croyant et son(es) Dieu(x). L’enjeu sera justement d’approcher l’expérience du transcendant, par sa traduction à travers les attitudes gestuelles.
Car ce n’est certes pas une danse classique à laquelle nous assistons. L’on observe davantage des poses qui marquent la dévotion. La prière, l’appel à Dieu, la transe, la prosternation sont autant de gestes rituels qui témoignent du sacré sur cette terre. Par une chorégraphie strictement orchestrée et ciselée, Julia Arbey exécute son étrange révolution avec rigueur et précision.
L’aspect visuel est frappant. Des formes géométriques sont projetées sur le sol, formant des espaces étranges, des zones de danse aux contours tranchées. De cette lumière émane le lieu, l’habitation de la croyance. La musique de Christian Genet et Jean-Luc Plouvier est elle-même pleine des sons dont les temples du monde sont habités. Répétitives et envoutantes, les phrases reviennent avec la même séquence de mouvements, parfois jusqu’à l’absurde. La religion serait peut-être ce fantôme sans matière, dont la concrétude n’advient que dans ces mouvements de mains, ces corps pliés, courbés dans la poussière.
A mi-chemin entre la danse et le théâtre de geste, Juste Ciel donne aux croyances une présence que chaque spectateur peut éprouver, fut-il le plus convaincu des mécréants. Nulle foi ni compréhension ne sont requises : il s’agit simplement de regarder avec sincérité ce que nos corps deviennent dans le vécu de ce qui, quelquefois, nous dépasse.