Jeudi 15 mars 2018, par Catherine Sokolowski

Descente aux enfers

L’entreprise suisse de Preising, homme d’affaire interprété par Pierre Sartenaer, a fait fortune grâce à une découverte technologique importante. Il se rend au Thousand and One Night Resort, un somptueux hôtel dans le désert tunisien pour un voyage semi-professionnel. Dans le taxi qui l’emmène à l’hôtel, il est question d’une baisse de la livre sterling. Bien qu’il n’en soit pas encore conscient, c’est le début d’une descente aux enfers. Un récit maîtrisé par un Pierre Sartenaer convaincu, critique mordante du monde superficiel et fragile de la finance.

Dans une oasis parsemée de tentes blanches et de palmiers, une soixantaine d’Anglais se préparent pour une fête de mariage. Arrivé dans ce petit paradis, notre homme s’installe sur une terrasse, dans un lit à baldaquin surplombant la piscine, pour observer ses congénères : « même en maillot de bain, ils semblaient porter un uniforme ». Les clients de l’hôtel se ressemblent : golden boys de la finance, ils sont jeunes et aisés.

Autour du narrateur gravitent une série de personnages hauts en couleur. Il y a Pippa, la mère du futur marié, Saïda, la gérante de l’hôtel, Jenny, l’organisatrice de la cérémonie ou encore Kelly et Marc, les futurs mariés. Peu après l’arrivée de Preising, la fête commence et la foule homogène célèbre l’évènement à sa façon : les jeunes gens boivent et dansent jusqu’à n’en plus pouvoir.

Contrastant avec cette ambiance joyeuse, les nouvelles d’Angleterre ne sont pas bonnes. « Pendant que je dormais, l’Angleterre sombrait ». Mails de licenciement, chute historique de la livre sterling, avions cloués au sol, rien ne va plus : « La situation devient impensable parce qu’impensée. » Les retombées se font rapidement sentir au sein de l’oasis, la barbarie s’installe. L’homme d’affaire décide de prendre la fuite en compagnie de Saïda. Ils découvrent bientôt un secret bien gardé.

Premier roman de Jonas Lüscher, « Le printemps des barbares » reçut un très bon accueil à sa sortie en 2013. Quelques années après la crise financière de 2008, il s’attaque au mode de vie des jeunes traders, aussi bien dans l’opulence que dans la déchéance. Sur scène, un récit qui s’apparente plus à une satire de la société qu’à une analyse des rouages de la finance (la crise brutale n’est pas justifiée). Pierre Sartenaer offre une prestation convaincante, avec son style narratif très personnel, à la fois lent et énergique. La mise en scène sobre de Xavier Lukomski centre l’attention sur l’unique comédien. En économie, une crise n’est jamais exclue : une bonne raison d’aller voir cette histoire très actuelle qui résonne comme un avertissement.