Mercredi 11 mars 2020, par Didier Béclard

Des corps virtuoses

Le Festival In Movement a débuté sa 5e édition sur les chapeaux de roues avec trois pièces de femmes, trois pièces brillantes, chacune dans son genre, son imaginaire ou son esthétique. On a beau savoir que l’on sera surpris et séduit, le plaisir n’en est pas moins intacte.

Pour la cinquième édition du Festival In Movement, les Brigittines proposent neuf soirées, étalées sur trois (fin de) semaines, composées de trois spectacles chacune. Le festival vise à montrer et confronter les œuvres d’artistes venus de tous les horizons, de toutes générations, mais dont le point commun est de travailler à Bruxelles.

Les œuvres témoignent en outre de l’engagement de leurs auteurs et interprètes dans le contexte d’une époque pour le moins trouble source de grandes inquiétudes. Ils interrogent et traversent les tensions de la société contemporaine en portant un regard décalé sur notre façon d’être, en dévoilant comme un miroir les comportements, les démarches, les corps en mouvement...


En ouverture de soirée, Ondine Cloez présente « Vacance Vacances » où elle explore l’absence, cette place habituelle qui est vide pendant les vacances. Dans une réflexion audacieuse, amusante et plus radicale qu’il n’y paraît, elle envisage de quitter son corps, d’aller en vacances en restant ici. Évoquant notamment les expériences proches de la mort (near death experience, traduit en français par décorporation), elle emmène le public vers cet état où une personne est atteinte par quelque chose qui la dépasse, la grâce.


Avec « Lichens », Karine Ponties plonge pour sa part dans l’univers du film d’animation « Le Conte des contes » réalisé en 1979 par Youri Norstein. Inspiré d’une berceuse traditionnelle russe, le film plonge dans les méandres de la mémoire du XXe siècle, présentant un homme distrait, privé d’imaginaire. noyé dans les images. Des personnages émergent d’un catafalque, d’autres y plongent, avec masque et palmes. Autour d’un mât et d’une lampe tempête, ils apparaissent, disparaissent, dans différentes boîtes, ouvertes ou closes, entraînés dans un mouvement cyclique perpétuel.


« Kokoro » (moi intérieur en japonais) de et avec Luna Cenere impose le corps dans toute sa présence et sa physicalité. Le corps est montré dans des positions, sous des angles, qui lui confèrent des airs d’une étrange statue que l’imagination rapproche des statues hindoues. Picturalisé, transfiguré, le corps se ramasse au sol, parcouru par des mains comme des araignées qui le saisissent et l’emportent, avant qu’il ne se redresse et se déploie dans une majesté éblouissante.

Didier Béclard

Festival In Movement jusqu’au 21 mars aux Brigittines à Bruxelles, 02/213.86.10, brigittines.be.

Le programme :
- « Vacances vacance » de Ondine Cloez
- « Lichens » de Dame de Pic/Cie Karine Ponties (création)
- « Kokoro » de la chorégraphe italienne Luna Cenere
les 5, 6 et 7 mars

- « Glitch » de Forencia Demestri & Samuel Lefeuvre
- « Nothingness » de Maria Eugenia Lopez (création)
- « Hyphen » de Charlotte Vanden Eynde & Nicolas Rombouts
les 12, 13 et 14 mars

- « The Gyre » de la cie Tumbleweed
- « Closing Party » (arriverderci e grazie) de la cie Wooshing Machine/Alessandro Bernardeschi & Mauro Paccagnella (création)
- « Marée haute » d’Estelle Delcambre (création)
les 19, 20 et 21 mars