Au milieu de la grande scène de la balsamine, un petit castelet aux parois peintes. A l’intérieur de celui-ci, une vieille femme trône dans un grand fauteuil blanc. Avec sa robe fleurie, elle évoque une poupée dans sa maison. Des deux côtés de cette scène sur la scène, des verres à pied. A jardin, une grande table recouverte d’un service de vaisselle familiale. Image de l’attente dans un intérieur flamand, brusquement brisée par la voix gutturale de la mère morte. Voix adressant des mots à la fille, mots placés par la fille dans la bouche de la mère. Commentaires de la cérémonie d’enterrement qui se déroule, étape par étape. Reproches adressés à la fille qui ne convient pas, mots qui blessent et qui accablent. Mais aussi et surtout mots d’amour. Non pour la fille mais pour le père, ce céleste acrobate dont la présence a donné un sens à la vie maintenant terminée.
Deux monologues suivront : celui de la fille, Béatrice, éléphanteau triste et saoul, qui s’adresse aux enfants qu’elle n’aura jamais et enfin, celui de la toute jeune Béatrice, enfant de 10 ans qui crie sa rage d’aimer.
Cette « Trilogie de l’enfer » donne à entendre des mots terribles et beaux à la fois. Le texte, touffu et poétique emmène le spectateur dans un tourbillon de sons et d’images. Du tableau vivant sur lequel s’ouvrait le spectacle, peu de choses restent intactes : le récit est passé par là et a tout bousculé sur son passage. S’opposant au jeu fort statique des actrices, les intonations et les éléments du décor animent la scène.
Monter un tel texte est un réel défi, le suivre sur scène également. La nature poétique de l’œuvre, le choix d’un vocabulaire peu usité et souvent compliqué, les enchevêtrements métaphoriques obligent le spectateur à une concentration intense. Heureusement, la metteuse en scène s’est entourée d’actrices capables d’incarner ces mots et de leur donner vie.