Jeudi 25 avril 2013, par Karolina Svobodova

De l’intérêt du polissage du biface

En moon boots à poils, Gwen Berrou et Clément Thirion remontent l’histoire de la création pour arriver jusqu’au monde contemporain au bien triste avenir. Leur remède ? Le rire et une danse de l’espoir aussi ridicule que désopillante.

2010, Vrak festival. Intriguée par un nom qui réunissait mon amour de la philosophie et des pâtisseries, j’ai assisté à la représentation du projet sur lequel travaillaient Clément Thirion et Mathilde Schennen (« Weltanschauung ou qui a mangé l’apfelstrudel »). Je m’en souviens bien, j’avais adoré. La scène de reconstitution du tableau d’Emile Nolde « Adam et Eve bannis du paradis » m’avait particulièrement marquée : à partir de rien, trois spots et le corps des acteurs, le tableau prenait vie et dévoilait son potentiel comique et ridicule. La création mise en abîme, dans le fond et dans la forme, un beau projet qui avait déjà tout pour convaincre.

Plus de trois ans après, je découvre le spectacle fini. Sur scène, dans le rôle de la première femme, tantôt Eve, tantôt singe, Gwen Berrou annonce avec l’autodérision caractéristique du spectacle qu’elle n’est là que pour remplacer quelqu’un d’autre. A aucun moment le spectacle ne quitte cet esprit sur lequel il repose en grande partie. Il faut avouer que c’est efficace : les spectateurs se sentent en confiance, en famille pourrait-on presque dire, et rient à qui mieux mieux. Cet élément concourt au succès de ces pièces que, depuis quelques années déjà, on croise fréquemment sur la scène belge. Abolis les personnages, rejetés la prétention des figures contemporaines, à la place, les créateurs se mettent eux-mêmes en scène et déconstruisent joyeusement le processus de création. S’appelant par leur prénom, jouant sur le ratage et un certain amateurisme, s’adressant directement au public, c’est tout un ensemble de codes que suit à présent ce genre particulier. Malheureusement, les conséquences du succès ne se font pas attendre : ce qui surprenait et sentait bon le frais en ramenant une vitalité nouvelle au théâtre de papa en arrive à s’épuiser. Plus de surprise pour ces pièces qui s’inspirent de la performance, conférence, et autres stand up. Bien sûr, on y rit toujours bien, on est content de retrouver ces acteurs qu’on finit par avoir l’impression de connaître étant donné qu’ils ne semblent pas jouer à être un autre. Mais pour intéresser l’amateur de théâtre, ça ne suffit pas. Par chance, de nombreux artistes parviennent à investir ces formes ludiques d’un fond stimulant, souvent au moyen d’une construction originale (voir les créations de la clinic orgasm society par exemple). « Weltanschauung » est le fruit de recherches intéressantes. Les artistes se sont notamment penchés sur la paléontologie, l’anthropologie et la neurologie pour nous transmettre des anecdotes instructives. Mais la construction pose problème, le résultat est assez confus, peut-être parce que la pièce est trop longue. En effet, bien que ne durant que 60 minutes, ses quelques longueurs nous font pas moments décrocher.

Cela n’a pas nuit à la bonne ambiance dans la salle et je ne regrette certainement pas ma soirée. Sans doute mes impressions tiennent-elles au fait que je suis une convertie de la première heure. J’aime ce type de théâtre, d’où ma déception quand il ne me surprend plus.

Karolina Svobodova.