Dimanche 9 février 2020, par Catherine Sokolowski

Dans la tête d’un dépressif mélancolique

Maniaco-dépressif, Louis Althusser a étranglé sa femme le matin du 16 novembre 1980. Considéré comme non responsable parce qu’il était dans une crise de démence au moment des faits, il fut enfermé dans un hôpital psychiatrique. L’histoire est intéressante et pourtant, ce n’est pas tellement l’histoire qui retient l’attention. Ce qui impressionne, c’est la prestation d’Angelo Bison. La manière dont il incarne le philosophe est tout simplement déconcertante. Il est Althusser et semble revivre tous les évènements qu’il décrit au plus profond de son être. Prix de la critique du meilleur seul en scène en 2016, ce spectacle est incontournable.

Althusser a étranglé sa femme, il n’y a pas de doute là-dessus. Il est d’ailleurs directement allé chercher un docteur qui n’a pu que constater les faits. Il ne s’agissait pas d’un meurtre prémédité, c’est même tout le contraire. Il était en train de la masser et soudainement, il s’est rendu compte que son regard était devenu fixe, absent. Quoi qu’il en soit, il aurait voulu être jugé pour cet acte. A la place d’un procès, la justice a décidé de l’interner.

Philosophe et professeur, sa vie a été entrecoupée de nombreux séjours à l’hôpital car il souffrait de dépression mélancolique. « L’avenir dure longtemps » est une autobiographie dans laquelle il tente d’expliquer son geste qui ne relève pas, selon lui, de violence conjugale ordinaire. Elle n’a pas été publiée de son vivant. Il passe en revue tous les faits marquants de sa vie, faits qui ont probablement contribué à la détérioration de son état psychique. Il s’agit notamment de la relation complexe qu’il entretenait avec sa mère. Il l’accuse d’agression intime et dénonce le fait qu’elle l’ait appelé Louis en hommage à son amoureux, décédé entretemps, et dont elle a épousé le frère.

Louis, ce n’est pas Althusser, Louis c’est Lui, l’amant regretté.

La relation avec sa femme, est également décortiquée. Il trompait régulièrement Hélène « qui ne pouvait rien donner érotiquement », et cela, même devant ses yeux, par provocation. Hélène n’était pas heureuse et d’ailleurs, on comprend à travers les lignes que la seule issue était peut-être la mort.

Le texte est fort, touffu, complexe, mais dans la mesure ou l’acte peut être expliqué, compréhensible. Angelo Bison tient le spectateur en haleine de bout en bout. Scrutant le public de ses grands yeux expressifs, il le convainc. Le spectacle a été joué au théâtre Poème 2 et à Avignon, il est repris pour quelques jours encore au Théâtre des Martyrs, ne ratez pas votre chance !