Vendredi 29 avril 2016, par Catherine Sokolowski

Dans l’intimité de JFK

Le 19 mai 1962, après avoir entendu Marilyn Monroe lui susurrer un “Happy birthday mister president” d’anthologie devant des millions de téléspectateurs, John Kennedy discute librement avec son frère Bobby du passé, du présent et du futur dans une chambre d’hôtel cossue. La mise en scène de Ladislas Chollat supporte élégamment ces échanges privés : voilà le spectateur renvoyé dans le passé, celui de l’intimité du clan Kennedy, celui de l’Amérique des années 60 mais aussi celui de la robe en gaze de soie cousue à même la peau de Marilyn ou de la jolie silhouette de Jackie Kennedy en tailleur Chanel…

Le texte de Thierry Debroux retrace tous les aspects du parcours des Kennedy : politiques, familiaux, psychologiques, médicaux et sexuels. Ce partage est captivant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il renvoie à l’Amérique des années 60 (guerre froide, engagement militaire au Viêt Nam, ségrégation raciale, conquête de l’espace, invasion de la “Baie des cochons”, rôle de la mafia etc…), mais aussi parce qu’il met en évidence les aspects privés de la vie du président, comme son insatiabilité sexuelle ou sa très mauvaise santé, la première étant d’après lui une conséquence de la deuxième. En parlant de Jackie, il explique : “je ne la trompe pas, je me soigne”, n’a-t-il pas été “toute sa vie, un enfant qui va mourir” ?

Thierry Debroux n’a pas cherché à reproduire la réalité. Il s’en inspire et l’enrichit : les discussions sont entrecoupées par les interventions d’une jeune femme mystérieuse qui semble tout connaître du clan Kennedy, sans que l’on sache vraiment de qui il s’agit. Ange ou démon (“envoyée par Khrouchtchev ?”), elle n’exige rien mais s’impose, confrontant les frères Kennedy aux vérités qu’ils auraient préféré ne pas affronter.

Mené tambour battant par Alain Leempoel qui interprète brillamment le personnage du président au “charme à faire tomber un oiseau du nid”, le spectacle est centré sur les problèmes privés du clan Kennedy et cela lui confère son originalité. L’intervention d’Anouchka Vingtier donne une dimension surnaturelle au récit tandis que Dominique Rongvaux en ministre de la justice joue un Bobby Kennedy moralisateur incapable d’assumer ses désirs. Le décor cosy, les images anciennes judicieusement projetées et les références historiques passionnantes font de ce spectacle une belle réussite, une immersion captivante dans un passé révolu.

Catherine Sokolowski