Lundi 12 mai 2014, par Charles-Henry Boland

Crimes et chansons

Deux murs en briques. Quatre femmes et un brun ténébreux. Pour son deuxième spectacle, la compagnie du Scopitone nous propose un policier féminin prenant place dans l’ambiance animée d’une cohabitation. Rehaussé de quelques moments musicaux, ce Requiem pour un crime, sorte d’Agatha Christie aux accents de Chat noir, lance de bonnes idées sans les exploiter totalement.

Tout se passait pour le mieux entre ces dames. Sensible et spirituelle, Birgit (Marie-Astrid Legrand) égaie son entourage par sa cuisine raffinée, la tenniswoman Amalia (Céline Chappuis) en pince pour cette dernière, la jeune Géraldine (Maria Abecasis) poursuit son combat inlassable pour la défense des animaux et la gardienne de l’immeuble Monique (Gaëlle Swann) fait en sorte que tout ce beau monde cohabite harmonieusement. Un équilibre que vient briser Michal (Laurent Bonnet), 42 ans, personnage sans foi ni toit. Séduisant et intrigant, l’homme débarque au moment où la propriétaire de l’immeuble décède subitement. Coïncidence ? Certainement pas. L’intrigue est entrecoupée de chansons composées par Julien Van Aerschot qui tient également la partie de piano durant le spectacle.

On appréciera très volontiers le jeu des comédiens. Mentionnons tout spécialement Marie-Astrid Legrand pour son personnage bien construit et Gaëlle Swann, dont le jeu énergique se double d’une voix puissante taillée pour le cabaret. Les musiques sont efficaces, les mélodies savamment tournées et les quelques polyphonies finales agrémentent somptueusement le tout. Les ingrédients sont de qualité, la recette semble alléchante mais la sauce ne prend qu’à moitié.

L’histoire en elle-même peine franchement à décoller. Si l’on appréciera l’humour bon enfant des scènes, la narration se perd quelquefois. Plusieurs trames semblent se dessiner dans les premiers instants mais la plupart restent en suspens pour être totalement oubliées. De même, l’idée singulière de laisser aux spectateurs le choix de l’issue finale a de quoi séduire. Il est cependant regrettable que le procédé n’ait pas été davantage exploité, la décision du public n’influant que très faiblement sur le déroulement de la narration. Comme nous aurions aimé pouvoir intervenir réellement dans la vie de cet immeuble, construire une histoire, un crime... Du coup, la fin semble quelque peu expédiée et l’on reste sur sa faim.

S’il faut saluer les chansons fort bien tournées et un jeu d’acteur efficace, il manque cependant à tout ceci du relief, de la consistance et de l’audace. On rit volontiers des travers de ces drôles de dames et l’on se laisse volontiers prendre par le rythme des chansons. Mais l’absence d’un enjeu véritable et la faiblesse de la trame narrative confèrent un goût, certes plaisant, mais sans grande saveur à l’ensemble. Chouette mais sans plus dira-t-on.

Charles-Henry Boland