Mardi 12 mars 2013, par Karolina Svobodova

Court toujours

« 18 spectacles, 13 créations, 4 conférences, plus de 80 artistes » voici l’alléchante annonce publicitaire du festival XS, organisé pour la troisième année consécutive au théâtre national. Le concept est un peu celui du zapping transposé au spectacle vivant. Le spectateur, organisateur et gérant de sa soirée, compose son menu selon son appétit et ses envies : un peu de cirque pour s’éveiller, de la danse pour la mise en forme, du théâtre comme plat de résistance et enfin du théâtre d’objet pour finir en poésie.

Face à une telle formule, il est malaisé de faire un compte rendu : chaque soirée est unique, la perception de chaque représentation différente en fonction du spectacle dont on vient à peine de sortir et qui nous habite encore, éternel effet Koulechov. La soirée sera donc plus ou moins digeste selon notre talent de monteur et…une grande dose de chance.

La déambulation stimule la pensée comme nous l’ont prouvé les philosophes péripatéticiens il y a 2300 ans de cela. Organisée autours de spectacles qui l’alimentent, elle est en effervescence pendant toute la durée du festival, expérience aussi formidable qu’épuisante. Les formes courtes sont de l’ordre du condensé. Peu de temps : il faut aller à l’essentiel ; alors c’est une idée ou deux qui sont expérimentées, dans des formes volontiers légères mais rarement frivoles.

Décalés et intelligents, Ressacs, Chouette ! et Le réserviste mettent en scène des individus face aux problèmes de la société contemporaine : la crise, le travail, les responsabilités. Rire doux-amer, c’est sûr qu’il vaut mieux pouffer que pleurer. Le festival aurait-il eu l’ambition de questionner le social ? On pourrait le penser en notant la présence de conférences centrées sur la mise en question du capitalisme.

Dans le même registre critique, Selma Alaoui se penche sur la question des femmes et leur place dans la société, les places qu’elles prennent, les places qu’on leur donne et les paradoxes que cela crée en elles, jusqu’à les faire exploser. Malheureusement, à peine ébauchée la réflexion reste clouée au ras des pâquerettes. Dommage, la première scène de Chiennes semblait pourtant prometteuse.

Peeping Tom est présent avec deux spectacles : la performance -1 qui transforme les spectateurs en derniers compagnons d’une défunte anonyme et En haut à gauche qui met en scène les pensées et le vécu d’Ines, spectatrice fantasmée du XS festival. Si le premier m’a un peu déçue le second est certainement mon coup de cœur. En haut à gauche est un de ces spectacles qui vous prend et vous retourne comme une crêpe sans que vous soyez en mesure d’expliquer pourquoi. Une alchimie entre un timbre de voix, une lumière, un rythme, des mots, un corps. Subitement, tout ce qui fait la spécificité du spectacle vivant est réuni en une composition juste qui résonne jusqu’au plus profond de nous et nous rappelle pourquoi, après des heures passées à courir d’une représentation à l’autre, on est encore là.

Karolina Svobodova.