Lundi 25 février 2013, par Catherine Sokolowski

Contestation orchestrée

Dotée d’un titre précis, le sujet abordé par la création d’Armel Roussel l’est moins. Car si la peur intervient effectivement maintes fois dans les propos, elle apparaît plutôt comme élément récurrent face aux aléas d’une société qui dérive, permettant d’éclairer les dysfonctionnements qui s’accumulent. Communisme, capitalisme, féminisme, amour, homosexualité, grossesse, poésie… , Armel Roussel n’a pas peur, lui, de multiplier les interrogations, de tirer tous azimuts, photos de caméra de surveillance à l’appui, pour envisager les sources de frayeur potentielles. Surprenantes, ces deux heures ne manquent pas d’intérêt mais laisse parfois un goût d’inachevé sans doute lié à un cocktail trop diversifié.

Le spectacle est divisé en chapitres et débute par l’épilogue. Un homme, probablement au paradis après l’explosion d’une « bombe théâtrale », exprime des regrets. D’abord seul, il est rejoint par le chœur féminin « Il Diletto Vocaley », puis par ses anciens élèves. Le flash-back peut commencer.

Huit jeunes sont internés dans un centre de rééducation pour un séjour qui devrait leur permettre de « reprendre goût au tissu social ». Le geôlier « joliment galbé », chargé de leur rééducation, les initie aux jeux du centre et aux punitions associées, absurdes et aléatoires. De ces jeunes, on sait peu, juste quelques bribes au travers de dialogues épars. Le traitement lui-même est difficilement qualifiable. Dans la deuxième partie du spectacle, la situation se renverse. Réveillé avant son instructeur, le groupe s’impose et prend la direction des événements. Bien que fort probablement ce ne soit pas le sens qu’a voulu donner l’auteur, on pourrait presque se demander si ce n’était pas le but caché du traitement, tant l’évolution est empreinte de douceur et sensibilité.

Avec le flou comme fil conducteur, cette création ne s’adresse pas aux rationnels purs et durs. Beaucoup d’appels à la réflexion personnelle, appels anarchiques car multidirectionnels. Parsemé d’extraits d’auteurs, de Churchill aux plus contemporains Indignés, le spectacle s’apparente à un pamphlet métaphorique comme outil de contestation plutôt qu’à une analyse détaillée de la peur. Mais le lien est ténu vu qu’effectivement les dysfonctionnements de la société sont à l’origine d’autant de craintes qui entravent la liberté d’exister. Cela dit, n’ayez pas peur d’aller voir le spectacle et de vous faire votre propre opinion !

Catherine Sokolowski