Dimanche 12 janvier 2014, par Catherine Sokolowski

Confessions mélancoliques

« Hildegarde est une bâtarde ». Voilà peut-être en quatre mots le résumé de l’histoire contée par la domestique de Monsieur le président, celle qui était « faite pour avoir douze enfants » et qui aura passé une bonne partie de son existence à éduquer Hildegarde, la fille de Madame la baronne et de son amant Monsieur Von Juna, à l’image du président. Un monologue intense et profond, porté par une toute grande comédienne : Jacqueline Bir.

Une chambre simple mais luxueuse, une perspective théâtrale, des tons beiges classiques, une vieille dame statique : la scène ressemble à un tableau. Et l’image prend vie, lentement, délicatement, lorsque la servante impose son récit à un jeune homme qui ne souhaite pas l’entendre (Michel Jurowicz).

A travers une histoire banale de mari trompé et d’amant gourmand, l’auteur, Hermann Broch, dénonce le comportement de l’aristocratie allemande du début du vingtième siècle. La jalousie exacerbée de la servante Zerline est justifiée. Pourquoi n’a-t-elle pas le droit d’avoir des enfants, pourquoi le diplomate qui semble tant la chérir, Monsieur Von Juna (véritable père de Hildegarde), ne lui fait pas de propositions sérieuses ? Pourquoi le pavillon de chasse dans lequel il l’invite pour dix jours contient-il les vêtements d’une troisième femme ?

A près de 80 ans, l’artiste belge tient la salle en haleine pendant une heure vingt-cinq minutes en déclamant ce texte puissant et dense. Certains sont irrités, c’est vrai, mais par la toux d’un voisin qui rompt l’écoute attentive à laquelle ils se prêtent ! Alors bien sûr, on pourrait émettre quelques réserves, trouver la prestation trop statique ou le second comédien étrangement absent, mais il s’agit de détails qui ne ternissent absolument pas la superbe performance de Madame Bir !