Lundi 9 mars 2015, par Catherine Sokolowski

Comment trouver une famille (convenable) ?

« Borgia, Comédie contemporaine » est un conte moderne, écrit par Thomas Gunzig, dans lequel Jean-Michel d’Hoop étudie la famille et ses fantômes. Pas de référence explicite à la famille de la Renaissance italienne mais plutôt un parallélisme implicite avec ses dysfonctionnements. Une fois de plus, les marionnettes de Natacha Belova (« Trois vieilles », « La tempête ») font mouche et monopolisent l’attention. Passant de la comédie bouffonne à la tragédie en quelques instants, ce spectacle est étonnant et inclassable. C’est sans doute cette originalité qui est sa première qualité.

Une grand-mère raconte une histoire en six chapitres à sa petite fille, toutes deux marionnettes aux physionomies tristes et marquées. L’histoire, censée faire dormir la petite-fille, est autobiographique et mélodramatique. Il s’agit d’une quête de famille. En effet, suite à un accident, l’enfant heureuse qu’elle était se retrouve affublée d’un « stress post-traumatique » disgracieux qui change son regard et ceux des siens. Elle est obligée de quitter sa famille. Sa quête sera longue et cauchemardesque. Elle voudrait tant retrouver « la tiédeur des corps, l’odeur du sel et celle du sucre ».

Les acteurs, nombreux, se partagent les rôles, même ceux de la grand-mère et de la petite fille. Cet enchevêtrement est brillamment orchestré malgré la difficulté supplémentaire que constitue l’animation des marionnettes. Même si l’humour cinglant de Thomas Gunzig se manifeste au détour des répliques, la pièce bascule rapidement dans le drame et s’y complaît : « La tristesse, c’est comme du velours ».

Alors finalement, qu’en penser ? La Collectif Point Zéro et Jean-Michel d’Hoop mélangent acteurs et marionnettes avec beaucoup de maîtrise, Natacha Belova conçoit des personnages magnifiquement expressifs, Thomas Gunzig est un écrivain talentueux et les acteurs sont tous excellents. A cela s’ajoutent des vidéos d’images choc, du sang, des corps et des kaléidoscopes de visages. L’ensemble peut sembler extravagant, touffu, hétéroclite, excessif. Comme si on avait mis trop d’ingrédients dans la soupe, trop de friandises dans le cartable, voire des friandises dans la soupe. Force ou faiblesse, à chacun d’en juger. Une comédie d’un genre particulier mais aussi et surtout une réflexion sur la famille et ses dysfonctionnements qui vaut sans aucun doute qu’on s’y attarde.