Lundi 14 septembre 2009, par Caroline Paillard

... Comme ils respirent

Garde à vue, c’est avant tout un film de Claude Miller, sorti en 1981, et des dialogues au scalpel signés d’une patte mythique, celle de Michel Audiard. Quiconque l’a vu se souviendra de l’ambiance oppressante, pleine de silences poisseux et violents, des masques fissurés d’où suintent les non-dits. "Garde à vue", c’est aussi le trio de titans Ventura-Serrault-Schneider, qui s’adonnent à un jeu de massacre froid et méthodique ; un héritage assez lourd, en somme, pour la relève. Mais la relève se défend ici avec brio, et Olivier Massart signe une mise en scène qui réussit le pari d’être à la fois fidèle et unique.

Parmi les trouvailles appréciables, on citera la touche réaliste du véritable distributeur de café, catalyseur des émotions et point de ralliement des systèmes nerveux mis à mal, et surtout le décor sur deux étages, qui autorise les mouvements et les apartés sans causer d’interruptions oxygénantes qui viendraient rompre l’effet du huis clos. Les portes s’ouvrent à l’étage, autant dire à la surface, mais ceux qui descendent dans les entrailles du commissariat effectuent une plongée en apnée dont ils ne ressortiront qu’à l’issue du duel, peut-être vivants, peut-être pas. Et le public de retenir son souffle avec eux.

Dans sa note d’intention, Olivier Massart écrit que « le texte d’Audiard (...) demande aux acteurs de ne pas jouer mais d’être le personnage, de tout leur sang, de toutes leurs forces ». Une volonté qu’il a réussi à insuffler à son équipe de talentueux comédiens, qui ont tous le mérite de donner du corps et du grain à des personnages en demi-teinte, ni saints ni salauds. On retiendra surtout Patrick Descamps, véritable pilier de la performance qui campe un Jérôme Martinaud d’un cynisme détestable et d’une faiblesse touchante.

Au final, une oeuvre haletante et acide qui fait la somme des bassesses humaines piégées sous le vernis du « comme-il-faut », à découvrir ou à redécouvrir à l’envi.