Au milieu de ce brouillard, deux individus se côtoient « pour le meilleur et pour le pire », avers et revers d’une même soif de pouvoir et de domination, ils se gargarisent de pouvoir maîtriser cet environnement sauvage qui les dépasse. Horn, chef de chantier en âge de retraite, cherche à se persuader par des monologues grandiloquents qu’il possède encore des valeurs tout en sachant qu’il ne pourra sans doute pas quitter cette existence instable désormais inscrite dans ses gênes.
Horn et Cal, son ingénieur adjoint, se renvoient leur image réciproque générée par des cerveaux embués d’alcool, gueulant leur désespoir, muselant leur angoisse par la brutalité au son monocorde du crissement d’un ventilateur fatigué.
Et puis arrive, la femme, le dérivatif nécessaire à une fête qui n’aura pas lieu, oiseau exotique rutilant, débarquant de Pigalle pour se faire une place dans ce monde masculin sourd à toute forme de négociation ou de faiblesse. Car le contexte est tendu : un accident de travail, un corps d’ouvrier disparu, la révolte gronde mais on sait que le pouvoir et l’argent aura le dessus et comme le dit Horn, les discours ne sont même pas nécessaires, la corruption a déjà tout réglé : l’assassinat gratuit de l’ouvrier comme le silence des revendications. Alors que reste-t-il d’autre que la violence, encore elle, pour prouver qu’on a le dessus, qu’on maîtrise la menace et pour en fin de compte, éviter de faire face à soi-même.
Un quatuor d’acteurs exceptionnels formés par François Ebouele, Thierry Hellin, Fabien Magry, et une performance rafraîchissante de Berdine Nusselder, touchante et vulnérable dans le rôle de Léone, l’épouse par correspondance de Horn, sur qui la découverte de l’Afrique aura un effet révélateur et dévastateur.
Palmina Di Meo