Yuko, japonaise, à choisi d’émigrer vers « la place dans le monde où il y avait le moins de Japonais » : le Yukon, ce territoire voisin de l’Alaska. Elle vit avec Garin, qui l’aime infiniment mais n’a pas les mots pour le dire. Yuko découvre Kate, en talons et dentelles, sur le bord de la route par -45°. Elle s’en émeut et lui propose l’hébergement au grand dam de Garin, réticent, et fort préoccupé par l’avenir de Dad’s, son père en mauvaise santé.
Tout ce petit monde a froid et se tient chaud. Une humanité perceptible. Yuko ne veut pas laisser tomber Kate, enceinte. Kate voudrait avorter mais le Yukon ne facilite pas les choses, le chirurgien esthétique, seul à pouvoir avorter, ne passe qu’une fois tous les trois mois. Au pire elle s’avortera elle-même, ça ne l’effraie pas plus que ça : « Si je manque ma shot, je meure en étant, genre, menstruée à mort. C’est cool . » Un délicieux mélange d’anglais et de français, de temps en temps une pointe d’accent, le charme poétique du québécois envahit la salle avec ses expressions magnifiquement imagées. « Fine ».
Une dimension mythologique aussi dans ce texte partagé entre dialogues réalistes et narration soignée, avec l’apparition ponctuelle d’un corbeau, considéré comme le créateur du monde au nord-ouest de l’Amérique du Nord. Quand on évoque la vie, la mort, l’amour, la maladie, le corbeau est là, comme une évidence, il est l’âme du Yukon.
La mise en scène collective d’Armel Roussel, enseignant à l’INSAS et de ses élèves (les acteurs : Emile Falk-Blin, Lucie Guien, Baptiste Toulemonde et Coline Wauters) est sobre, elle met en évidence les personnages, leur solitude, leurs traumatismes et leur besoin d’amour. Entre conte et autobiographie, un petit séjour au bout du monde avant de reprendre le bus « coast to coast » pour Vancouver. N’hésitez pas à acheter votre ticket !