Jeudi 14 décembre 2017, par Jonas Parson

Chorégraphie Digitale

A quoi pensons-nous juste avant de mourir ? Avec poésie et douceur, Cold Blood nous emmène dans une rêverie mortelle et mystérieuse, qui mêle cinéma et danse pour créer des tableaux qui feraient pâlir les meilleures équipes d’effets spéciaux.

C’est un spectacle de contrastes, d’abord. Contraste d’abord entre ces décors miniatures et ces mains qui viennent les peupler, y danser le boléro ou les claquettes. Contraste encore, entre la précision minutieuse, le contrôle léché des images projetées sur l’écran qui domine la scène, et la nonchalance et le bric-à- brac visible sur la scène, toute la vie externe aux séquences filmées.

Contraste finalement entre le sujet morbide du spectacle, et la beauté délicate des images qu’il propose.
Jaco Van Dormael et Michèle Ann De Mey unissent ici leurs savoir-faire personnels pour créer un spectacle de danse pour doigts, dansés dans une série de décors miniatures filmés en direct sur la scène, offrant au public l’occasion d’assister à la réalisation d’un film en live. Une véritable chorégraphie digitale, en somme.

C’est ainsi à un double spectacle que l’on assiste, celui tout d’abord des danses des doigts sur l’écran, offrant des images plus belles les unes que les autres, mais aussi le plaisir du « comment ça marche », en observant les artistes sur scène produisant ces images. Les doigts dansent, mais les corps bougent aussi, dans une chorégraphie involontaire mais nécessaire.

Thomas Gunzig signe le texte qui narre la pièce, nous emmenant à travers sept morts, sept réminiscences qui s’imbriquent, se suivent sans se ressembler, le texte appellant les images et les images s’appuyant sur le texte sans nécessairement l’illustrer de manière littérale. Les scènes plus explicites (dans tous les sens du terme, comme la danse des doigts strip-teaseurs) laissent place à des images plus abstraites, bulles d’encres dans de l’eau ou ombres floues de mains qui plongent dans l’eau.

Frisant souvent avec le kitsch, Cold Blood offre une heure et quelques de poésie et d’images saisissantes, avec son lot de trucs amusants et de références bien choisies- une interprétation parfaite du Boléro pour quinze doigts par exemple, ou un ballet en apesanteur aux notes de Space Oddity de David Bowie-, un spectacle beau et bien fait, mais peut-être un petit peu trop lisse et sous contrôle. Un spectacle pour tous ceux qui, enfants, faisaient danser leurs doigts le long des murets en allant à l’école.