Mercredi 1er avril 2015, par Laura Bejarano Medina

Chassés-croisés amoureux

Directeur de la Comédie Poitou-Charentes et metteur en scène renommé, Yves Beaunesne s’installe jusqu’au 4 avril dans la grande salle comble du Théâtre Le Public. Après avoir mis en scène On ne badine pas avec l’amour et Lorenzaccio, cet amoureux du théâtre classique continue son exploration de l’œuvre d’Alfred de Musset avec son adaptation délicate et légère de Il ne faut jurer de rien.

Une douce pénombre qui laisse apparaître un joli jeu de jambes et quelques pas d’une danse lancinante. Il ne faut jurer de rien débute dans une atmosphère flottante, où un décor épuré s’habille d’ombres et de faibles lumières propices aux conversations intimes et aux élans romantiques. Sur la scène agrémentée d’une immense structure murale en bois, un hamac cohabite avec quelques sièges d’époque. C’est sur ce plateau dépouillé d’excès et de redondance que les personnages, entrent, sortent, déambulent en costume du 19ème siècle, s’imprégnant de la langue de Musset avec finesse et élégance.

Valentin a 25 ans et mène une vie de débauche sans se soucier du lendemain. Son oncle Van Buck, qui couvre sans cesse ses dettes au jeu, le menace de lui retirer son héritage si Valentin refuse d’épouser Cécile de Mantes, une jeune aristocrate. Coureur du jupons et charmeur invétéré, le jeune homme s’oppose au mariage, connaissant bien le cœur des femmes. Selon lui, se marier signifie prendre le risque d’être trompé. Pour prouver à son oncle l’infidélité féminine, Valentin cache son identité et se rend au château, bien décidé à prouver qu’il séduira la jeune fille en huit jours et pourra alors rejeter une union avec une femme si facilement conquise.

Fidèle à l’état d’esprit de Musset, Yves Beaunesne nous propose une comédie romantique acidulée où amour et tromperie semblent indissociablement conjugués par les faiblesses des femmes. Ecrite à trois reprises, Il ne faut jurer de rien se veut le reflet des déboires amoureux d’Alfred de Musset, désabusé et trahi par son grand amour. Accompagné d’une distribution ambitieuse portée par Olivier Massart en oncle Van Buck généreux, bon vivant et bougon, le metteur en scène insuffle un désordre planant chez des personnages déjà troublés par les tourments de leurs sentiments. Les femmes y sont aériennes, perdues dans leurs rêveries ou leurs pensées, distraites. A l’image d’une baronne hautaine (Florence Crick) à l’esprit flottant ou d’une Cécile mystérieuse (Olivia Smets) absorbée par sa radio, elles sont hors de portée et semblent nous échapper. Les hommes y sont plus terre à terre, parfois déchirés entre la rigueur et l’audace, obstinés, pragmatiques, comme Valentin (Fabian Finkels), à la fois espiègle et nonchalant, ou le prêtre (Alexandre Von Sivers) dont le décalage et la simplicité font sourire.

Baignant dans cette ambiance vaporeuse et fluctuante, instaurée par une distance de jeu et un rythme lent, Il ne faut jurer de rien manque quelque peu de vigueur et d’intensité. Même si le spectacle gagnerait à plus de chaleur, il n’en demeure pas moins un bel hommage, un véritable éloge à la beauté, donnant vie aux mots de Musset à travers des échanges et des tableaux inlassablement gracieux et raffinés.

Laura Bejarano Medina