Dimanche 18 novembre 2018, par Vercez Estelle

Carnaval des identités

Pour la création de sa dernière pièce Tu fais la femme, Carole Lambert a recruté une équipe de jeunes comédien·ne·s formé·e·s au Conservatoire de Mons. Un quatuor survolté pour une écriture jouissive et cynique toute en délicatesse.

Le dispositif scénique de Tu fais la femme a la simplicité d’une machine à jouer : un plateau vide, des costumes, deux tables, deux micros marquant une avant-scène, et de quoi faire de la pâte à crêpes. C’est sur ce terrain de jeu que se développent et apparaissent les fantasmagories de l’écriture de Carole Lambert. Le fait que celle-ci assure à la fois l’écriture de la pièce et sa mise en scène permet de maintenir à l’intérieur de la mise en scène une intention dans la manière d’appréhender le langage similaire à celle de l’écriture. Tout n’est qu’un jeu constant de transformation et de subversion du langage. Par exemple, l’expression « Tu fais la femme » se trouve ainsi retournée et secouée en tous sens, explorant tous les sens possibles de cette expression, et permettant ainsi de faire émerger des problématiques de genre, des relations, de la virilité et de la féminité de manière subtile et poétique pour laisser le spectateur recomposer son propre questionnement.

Le génie principal de cette mise en scène repose sur la performativité du langage, ressort constant de la dramaturgie de Carole Lambert. Les acteur·rice·s se dirigent les un·e·s les autres et parfois eux·elles-mêmes en prononçant un simple mot, puis en faisant se répéter la situation en modifiant un simple critère qui va faire basculer la situation dans une absurdité de plus en plus totale. Si ce ressort d’écriture est riche, il peut cependant se faire trop répétitif, au détriment d’autres aspects fascinants de l’écriture de Carole Lambert, dont une mise en scène par un œil extérieur aurait peut-être permis d’en faire apparaître tous les aspects.

Néanmoins, la construction comique portée par Amandine Chevigny, Guillaume Druez, Louis Marbaix et Morgane Gilles fonctionne à merveille, grâce à des interprètes impliqués d’un bout à l’autre du spectacle, maîtrisant le plateau avec une virtuosité rare. Chacun joue avec sa propre identité de comédien et de menteur, passant du mot à l’action et décomposant chacun de ses gestes.

« On prend les mêmes, et on recommence » pourrait être le mot d’ordre de ce spectacle dont on admirera la mécanique bien huilée et les interprètes à toute épreuve.