Dimanche 4 octobre 2020, par Catherine Sokolowski

Burn-out : à qui le tour ?

Françoise Bloch persiste et signe ! Après « Grow or go », « une Société de services », « Money ! » et « Etudes / The elephant in the room », revoilà notre metteuse en scène dénonçant les milieux austères du business cupide. Sauf qu’ici on est proche du point de rupture, quand on ne l’a pas atteint. Une succession de séquences courtes illustre l’ineptie de certaines situations à travers les fonctions de recruteur, de secrétaire ou encore de patron. Comme d’habitude, quelques acteurs (quatre, tous excellents : Elena Doratiotto, Léa Romagny, Jules Puibaraud et Aymeric Trionfo), quelques chaises et tables à roulettes, et un excellent texte plein de subtilité parviennent à scotcher le spectateur sur son fauteuil du début à la fin, tant il a peur de perdre une miette de cette excellente analyse.


La première séquence met en scène un agent immobilier qui dévoile ses tactiques de vente. L’idée est « d’adoucir ses prises de positions ». Une dispute mène au conflit, le conflit à la violence. D’accord mais faut-il tout accepter ? Où se situe le point de rupture ? « Le sursaut est un revirement sauveur. »
Quelques minutes plus tard, lors d’une visite sur site, un gros client constate que son projet a été remanié, un seul bâtiment remplace les trois unités prévues. Il n’a pas été prévenu. Pour les responsables, c’est un détail. Faut-il être à ce point malléable ?
Vient ensuite le tour d’un patron. Il s’est endormi dans un hamac. A son réveil, avec l’aide de ses collaborateurs, il doit préparer un discours pour le conseil d’administration. Après un dialogue surréaliste sur l’hibernation, il leur assène : « Ce sont des imbéciles comme vous qui remplissent le monde d’enfants dégénérés ». Dans ce cas-ci, clairement, le point de rupture est atteint.
Parsemé de citations (adaptations de Shakespeare), plein d’humour et de subtilité, le spectacle mériterait une seconde lecture mais une chose est sûre, « ce qui n’est pas exprimé et reste dans le cœur peut le faire éclater ». Alors tout à tour, les uns après les autres, ils s’arrêtent, craquent ou réagissent dans un sursaut salvateur. Cette vie-là, ils n’en veulent plus.
Un excellent spectacle, comme tous les précédents, qui s’interroge sur l’origine du désir de changement. Comment se manifeste-t-il ? Chez les uns, chez les autres. Et après ? Le ras-le-bol est-il inhérent à l’être humain (toutes les professions semblent être touchées) et récurrent ? Les histoires se déroulent dans le milieu d’entreprise mais les mêmes questions pourraient se poser partout. Pas de réponse universelle : la dernière partie du spectacle, plus positive, laisse toutefois un petit goût d’inachevé. A voir très vite !