Lundi 6 février 2017, par Catherine Sokolowski

Bon appétit !

Ici, l’expression “à table !” devient “aux tables !”. En effet, le spectateur assiste à plusieurs repas familiaux, confortablement assis à l’écart des humeurs et des manipulations, choisissant librement entre le rire et les larmes. Les séquences sont courtes, dynamiques et puissantes, les passions se déchaînent. La table est un lieu incontournable de rencontre, d’animosité ou de chaleur. Elle se décline avec nappe parfaitement repassée ou sans nappe, coupée en deux, avec des emplacements restés inoccupés ou avec des invités mais toutes les familles ont connu, un jour où l’autre, l’horreur d’un repas qui dégénère. La brillante interprétation des 4 acteurs au sommet de leur art et beaucoup de subtilité dans l’écriture de Violette Pallaro (aidée par Laura Fautré, également actrice) font de cette pièce une toute belle réussite !

Bien plus qu’un endroit où manger, la table familiale évoque pour chacun des souvenirs, bons et mauvais, parfois même traumatiques, comme c’est le cas pour cette anorexique qui n’a pas pu trouver sa place parmi les siens. L’endroit où l’on s’assoit est déjà révélateur des accointances comme on le voit dans les premières saynètes qui mettent en scène des personnages se déplaçant au gré de leurs humeurs et des évènements. Incontournable, la table peut rendre les tensions explosives ou faciliter le dialogue mais la pièce, espiègle, s’attarde plutôt sur les animosités. Souvent la mère et/ou la grand-mère s’affairent, réalisant des allers-retours incessants sans que les autres membres de la famille ne réalisent l’énergie déployée. Avant de devenir eux-mêmes parents et de perpétuer les allers-retours incessants.
L’équilibre peut aussi être rompu avec l’arrivée d’un étranger, une jolie Suissesse par exemple, transformant complètement le comportement paternel. Oui, les familles sont pleines d’amour. Et pourtant…Quand un père qui adore la pêche, déclare être un “boulimique du partage”, on reste “muet comme une carpe”, car il s’adresse à la petite amie de son fils…Le ton est donné : surréaliste, exagéré, caricatural. On atteint des sommets de drôlerie avec la simulation d’un entretien d’embauche auquel se prête une famille pour aider le père au chômage, chacun en profitant pour enfin exprimer ses griefs sous couvert de rendre le candidat plus attractif. Mais le spectacle n’est pas seulement drôle, il y a une morale à l’histoire, un message à faire passer que nous ne dévoilerons pas ici.
Ce spectacle a été créé au Festival International de Liège et en a fait l’ouverture. Il sera encore repris le 18 février dans Factory. Comme par le passé, le festival est révélateur de talents. Dans « Tabula Rasa », les 4 acteurs changent très souvent de rôle, au gré des saynètes, en un minimum de temps. Lara Persain est fantastique de justesse et de conviction dans tous les rôles qu’elle interprète mais ses comparses ne sont pas en reste. Le spectacle ne dure qu’une heure, une heure de dialogues truculents avant… d’aller manger ! Bon appétit !