Jeudi 27 octobre 2022, par Chloé Clemens

Bienvenue à Elseneur

Ce soir, au théâtre Océan Nord, le groupe Matériau a choisi de nous raconter des histoires de fantômes et donne le ton dès le départ. Quantité de projecteurs qui créent sur le plateau une forêt de métal surplombée d’un nuage menaçant. Scène d’ouverture : un enterrement à l’aube.

Pas de doute, on est bien au théâtre, les six comédiens ( Brune Bazin, Céline Beigbeder, Irène Berruyer, Adrien Desbons, Francesco Italiano et Sarah Messens) sont là pour nous le rappeler, s’adressent aux spectateurs directement, demandent notre avis lorsque cela est nécessaire. D’ailleurs, dans la salle, la lumière n’est jamais vraiment éteinte. Il y a peu de place pour l’illusion, et c’est tant mieux.

Mais quelle est donc cette chose qui menace la contrée paisible d’Elseneur ? C’est bien l’histoire d’Hamlet, celle qui pèse depuis des siècles sur notre répertoire. Hamlet, ce sont les histoires qui se racontent, encore et encore, celles que l’on oublie, celles dans lesquelles on ne sait plus vraiment qui est qui, celles qui réapparaissent. Dans cette création pleine de fraîcheur et de tenues de sport, Hamlet est avant tout un terreau, un matériau inépuisable faisant émerger la parole de Shakespeare par petits bouts, entre les anecdotes macabres et les comptines pour enfants. Tout du long, ils nous laissent goûter le texte original, brillamment interprété par toustes, mais pas que…

Ce que le groupe propose, c’est un choix de la fin et de la suite. Il ouvre Hamlet à ses interprétations, à ses possibilités les plus loufoques, mais aussi les plus secrètes. Les comédiens jouent tout, changent d’accessoires comme de chemises dans un rythme effréné qui mène de toute façon à la mort et à la fin du monde tel qu’on le connaît (ou à la fin du monde tout court).
Au final, toustes deviennent Hamlet, jouant de ses caricatures et ses épuisements, accentuant le dramatique lorsque la situation s’y prête, comme dans les séries américaines.

Le texte est drôle, soutenu et bien mené, l’écriture travaillée amène un regard neuf et jubilatoire et ce n’est pas tâche facile, vu le sujet. Le groupe Matériau lui donne une autre saveur et nous fait passer un moment de qualité en mettant sur la table une belle matière à débattre sur ce que nous faisons de nos histoires, surtout des histoires de fantômes cachés dans les placards. Un spectacle pour tous et toutes, à voir absolument.