Vendredi 9 juin 2017, par Isabelle Plumhans

Avignon, un pont plus loin… pour les belges

Cette année, le festival d’Avignon propose un nouveau lieu, d’inspiration belgo-belge. Mais pas que. Façon auberge espagnole de bons potes. Mais pas que. L’occasion pour Demandez le Programme de proposer une petite sélection festivalière en amuse-bouche de juillet.

Aujourd’hui, je vais pas palabrer sur comment le théâtre rend nos vies plus belles, plus fluides. Comment il rassemble et témoigne. Aujourd’hui, je vais te parler pragmatique et logistique. Et fantastique. Aujourd’hui, je vais te parler d’Avignon, ma passion. Parce que cette année, le festival, qui faisait l’an dernier la part belle à nos compatriotes dans le In, se voit doté d’un lieu neuf, dans le off. Noir, jaune, rouge. Enfin, presque. En tout cas, une occasion supplémentaire de voir du belge au pays du pont. Dans la philosophie du festival. Soit débrouille, mots et fête(s). Explication.

Avignon. Son pont. Ses platanes. Son Rhône. Son festival. Et ses belges.
Fin du mois de mai, chaleur et bonne humeur, c’était conférence de presse commune pour l’Ancre, Jean-Michel Van den Eeyden aux commandes, et pour le Poche, Olivier Blin aux manettes, dans les locaux de ce dernier théâtre -barbecue festif en clôture de la dite conférence, ambiance avignonnaise oblige. L’annonce faite aux journalistes ? L’ouverture d’un nouveau lieu en festival, l’Eldoradôme. Soit un dôme éphémère -celui de la compagnie française des Mélangeurs, qui s’associe au projet. Dôme planté dans la cour du collège de la Salle, lieu historique du festival, situé pile ou presque entre les Doms et la Manufacture, deux lieux de la programmation belge -le premier officiel, le second, officieux.

Un lieu qui se veut dans la droite ligne de l’esprit festivalier. Communauté et débrouille, fêtes et rencontres. Car Avignon, c’est ça, aussi. Les bons plans qu’on se refile, la bafouille du spectateur au comédien possible après le spectacle, pour lui dire ce qu’il en a pensé. Les équipes qui se relaient pour monter, démonter, remonter, re-démonter, heure après heure, les spectacles. Les mêmes équipes, parfois, qui jouent, tractent, font billetterie, promo, service de presse. Parce qu’Avignon, c’est marathon. Il faut tenir sur la longueur - un mois, relâche quelques jours seulement pour les plus chanceux. Tout donner sur scène, tout donner hors scène, pour rentabiliser l’investissement forcément important , financier et humain- logement, location du lieu, travail des équipes, trajet.
Alors, à Avignon, en juillet, on a tendance à s’entraider. On crèche chez les potes, on se refile les bons tuyaux.
Et on mutualise.
La mutualisation, c’est d’ailleurs la philosophie de ce nouvel eldorado de théâtre en terres avignonnaises. Sept spectacles, des espaces de rencontres, et la mise en commun des forces en présence. Financières, évidemment, mais aussi techniques, et communicationnelles.

Pour des spectacles familiaux, dont le musical « Morgane en concert », mais pas que. Le décalé et drolatique La Convivialité, tentative d’explication de la grammaire particulière goûteuse, ou le sublime ou encore le succès de la saison dernière du Poche, « On the Road… A » sont aussi de la partie.
Puis, parce que le théâtre se veut engagement permanent. Qu’il dit le monde, le décortique, essaie de le comprendre, parfois. Qu’il se veut miroir, déformant souvent, rarement déformé, de nos angoisses, nos névroses et nos débordements, « La route du Levant » abordera sous le dôme l’actualité, replis identitaires en lignes de mire, en mettant face à face deux visions opposées du monde occidental, commissaire et présumé djihadistes en interrogatoire. Un spectacle fort, pour lequel les rencontres après représentation se promettent belles et riches.

Parce qu’Avignon, c’est aussi ça, c’est surtout ça. Un lieu qui fait se rencontrer la prise de parole et la réception. C’est sur le bitume brûlants se refiler les bons plans. C’est partager ce qui nous fait, ce qui nous dit, ce qui nous horrifie ou nous fait rêver. Dans un espace réduit, celui d’une ville qui se vit différemment un mois par an. Un nécessaire, combiné de soleil et de vent, de rire, et de rencontres. Au coin de la rue, revoir ce comédien qui nous a chaviré le coeur de cette poésie si belle, si vraie.
Avignon, c’est se rappeler qu’on est en vie, et en communauté.
Alors, tu l’as compris, si tu es dans la région en saison, file aux Doms, file au dôme de l’Eldorado. File à la Manufacture. File partout où tu peux. Découvrir. T’émouvoir. Rencontrer. Si t’es perdu ( à côté des programme, In et Off, mais surtout Off), l’annuaire fait pâle figure) je te file ma sélection (très) resserrée.
Et tu me diras ce que t’en penses. ça m’intéresse. Pour de vrai. Parce que j’aime bien parler des spectacles, et refaire le monde, et refaire la vie, et créer communauté. Comment ça, tu le sais déjà ? Allez, bisous ! Et bon festival !

Isabelle Plumhans

Ma sélection

Au Doms :

COUP DE COEUR !
Le sublime et très sensible Is There Life on Mars, évocation scénique de haut vol de l’univers de l’autisme. Brillant.
Is There Life on Mars, de de Héloise Meire, tous les les jours à 15h

Le drôle et grinçant à la fois Tabula Rasa, la famille autour de la table. Percutant.
Tabula Rasa, de Violette Palarro, tous les jours à 19h35

Infos : www.lesdoms.be

A la Manufacture :

L’univers unique et la recherche théâtrale parfois déjantée, façon recette de cuisine expérimentale, du théâtre à Cru, avec Candide, qu’allons-nous devenir, d’après Voltaire
Candide, qu’allons nous devenir, Alexis Armangol/Théâtre à cru, tous les jours à 16h35, relâche les 12 et 19, intramuros

Les mots sublimes d’Ascanio Celestini et le jeu toujours juste de David Murgia dans Laika
Laika, tous les jours à 17h20 les 12, 13 et 14 juillet, à la Patinoire

COUP DE COEUR !
La tendresse qui sourit, l’amour à fleur de texte, le délicat de l’atmosphère et la complicité belle des mots de Nicolas Rey et des notes de Mathieu Saïkaly qui nous donnent des Nouvelles de l’Amour
Les Garçons Manqués, Les nouvelles de l’amour, tous les jours à 21h20, relâche les 12 et 19 juillet, intramuros.

Et puis parce qu’il n’y a pas que le théâtre, la très belle exposition Créative memory, de Sana Aizy, artiste associée à la Manufacture en 2017 . Focus actuel et graphique sur la Syrie. Et, surtout, les syriens
Dans le jardin de la Manufacture et la Patinoire, entrée libre durant tout le festival

Infos : www.lamanufacture.org

A l’Eldoradôme :

La poignante et terriblement actuelle confrontation des protagonistes de La Route du Levant
La route du levant, de Dominique Ziegler, mes Jean-Michel Van den Eeyden, tous les jours à 14h, relâche es 10, 17, 24 juillet.

L’esprit décalé, le style ovni et la pataphysique invitée de la leçon de La Convivialité, d’Arnaud Hoedt et Jérome Piron
La Convivialité, Jérome Piron et Arnaud Hoedt/cie Chantal et Bernadette, tous les jours à 17h50, relâche les 10, 17 et 24 juillet.

Infos : www.facebook.com/ELDORADOME

Dans le In :

Une Antigone asiatique en cour d’honneur.
Antigone, de Sophocle, mes Satoshi Miyagi, les 6, 7, 8, 10, 11, 12 juillet, à 22 h, dans la Cour d’Honneur du Palais des papes.

Le terrible texte, fascisme du monstre Degrelle, de Jonathan Littel, porté à la scène par un compatriote.
Le sec et l’humide, mes Guy Cassiers, du 9 au 12, à 15h, les 10 et 12 à 18h également, à Védène, l’autre scène du grand Avignon.

L’itinérance selon Robin Renucci et Nicolas Stavy, spectacle en route avec du Gary, du Michaux, du Proust et du Rimbaud dedans.
L’enfance à l’oeuvre, de Robin Renucci et Nicolas Stavy, du 7 au 26 juillet, relâche 9, 16, 21, 22 juillet, à 20h

L’ouverture au jeune public avec le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues
Tristesse et joie dans la vie des girafes, de Tiago Rodrigues, mes Thomas Quillardet du 14 au 19 juillet, relâche le 17, Chapelle des pénitents blancs,

La fiesta dansée au Palais des papes
Fiesta, d’Israël Galvan, du 17 au 23, relâche le 20 juillet, cour d’Honneur du Palais des Papes

Les comédiens du Toneelgroup d’Amsterdam au service de Genet
Les Bonnes, de Genet, mes Katie Mitchell, les 16, 17, 18, 20, 21 juillet, autre scène du grand Avignon, Vedène

Le feuilleton théâtral de Christiane Taubira
On aura tout par Anne Laure Liégeois et Christiane Taubira, tous les jours jusqu’au 23, relâche 10 et 17, Jardin Ceccano

L’hommage à Barbara par Juliette Binoche
Vaille que vivre, par Juliette Binoche, du 24 au 26 juillet, cour du Lycée saint Joseph