Alzheipère

Bruxelles | Théâtre | Les Riches-Claires

Dates
Du 12 au 28 octobre 2017
Horaires
Tableau des horaires
Les Riches-Claires
Rue des Riches Claires, 24 1000 Bruxelles
Contact
http://www.lesrichesclaires.be
accueil@lesrichesclaires.be
+32 2 548 25 80

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Alzheipère

La comédie d’une vie qui se termine, d’une autre qui doit continuer, d’une relation père/fils dans laquelle on ne sait plus très bien qui fait quoi, d’un rapport qui s’inverse, ou pas, ou quand même si, d’une maladie qui avance, d’une mémoire qui recule, d’un pilier qui se désagrège, de 1000 km qui en deviennent 6000, d’une parole saisie, donnée, tenue, de répétitions, de répétitions, de répétitions, d’un trajet interminable entre Carcassonne et Bruxelles, entre la vie et la mort, entre le désespoir qui abat et le rire qui guérit. Entre les comédiens et les hommes qu’ils sont, entre la scène et le public. Le tout confronte chacun à la fragilité de notre condition de mortels, même s’il est difficile d’élaborer une pensée forte, belle, définitive, poétique, intelligente et universelle dans la chambre froide d’un hôpital. Et contre toute attente, c’est drôle. Caustique, mais drôle. Et un peu politique, aussi, parce qu’il en faut.

Tarif unique « Premier mardi » (6€) : le 17 octobre à 20h30
Lundi-théâtre (6€) : le 23 octobre à 20h30

Distribution

De Xavier Benout
Mise en scène : Peggy Thomas
Avec : Eric De Staercke et Xavier Benout
Assistant mise en scène et création sonore : Jean-Marc Amé
Scénographie : Vincent Bresmal
Création lumières : Pier Gallen
Visuel : Fred Van Hoof

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6 Messages

  • Alzheipère

    Le 14 octobre 2017 à 14:05 par Aurelia

    https://lesrichesclaires.be/evenement/alzheipere/

    "Alzheipère". Deux super bon comédiens, justes, à fleur de peau. De l’humour et du décalage d’un air de je-m’en-foutisme qui mettent en évidence la lourdeur du propos qui n’a pas besoin de plus pour être intense. On éclate de rire parfois, pour se recentrer naturellement ensuite sur la réalité. Un quatrième mur qui est éclaté, peut-être pour mieux nous faire entrer et nous enfermer dans cette institution hyper capitaliste aliénante et malade où l’on se sent désemparé face à cette maladie dégénérative. Un décor minimaliste et modulable, tels les pièces du puzzle des souvenirs d’une vie qui reviennent par bribes incohérentes. Un homme qui se disperse. Un fils qui persiste puis s’y perd. Une réalité toute crue. Un témoignage précieux. Je me sens reconnaissante d’avoir vu cette pièce certes dure mais aussi magnifique. Allez-y vraiment, ça en vaut la peine. Ils jouent jusqu’au 28/10 au théâtre Les Riches-Claires. Envie de leur dire merci, à Xavier Benout pour son courage et aux deux comédiens, Eric De Staercke et lui-même, pour leur implication sincère, humble et forte :) Touchée <3

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  • Alzheipère

    Le 15 octobre 2017 à 19:16 par hello

    La pièce présente d’abord le père tel qu’il était au mieux de sa forme et puis progressivement tantôt de manière racontée tantôt de manière jouée essaie de montrer les signes avant-coureurs et les moments clés d’un long déclin. De manière parfois crue mais réelle. Manifestement, on sent le vécu...

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  • Alzheipère

    Le 16 octobre 2017 à 08:38 par alec

    Un sujet (plus que jamais d’actualité) traité avec un certain réalisme et avec humour. Le décor minimaliste se prête bien à la situation. Des moments assez crus mais qui décrivent une réalité. J’ai aimé voir la pièce étant donné le sujet finalement peu abordé au théâtre.

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  • Alzheipère

    Le 18 octobre 2017 à 22:23 par schoumaker

    Courrez voir ce spectacle.Oui,on y parle d’une maladie dégénérative mais avec tendresse,réalité et humour.un dialogue entre le père atteint de la maladie d’Alzeimher et son fils qui vient lui rendre visite.Bien sûr il lui Rreste des bribes de souvenirs.L’extraordinaire force du spectacle est de nous montrer le ressenti du père et du fils.Un décor ingénieu et adéquat.Deux comédiens éblouissants chacun dans leur rôle.

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Vendredi 20 octobre 2017, par Jean Campion

Un Exutoire indispensable

Revenant du Home La Cambre, chambre 56, Xavier Benout avait "l’âme lourde et le coeur en vrac". Il avait constaté que son père ne savait plus distinguer une tartelette aux framboises de la boîte qui la contenait. Pour lutter contre sa colère sourde et être capable de poursuivre ses visites, il lui fallait partager le poids de ce nouveau signe de dégradation. Il raconte le massacre du gâteau à sa femme et à ses enfants. Fou rire général. La vie reprend ses droits. Cette explosion de joie et d’amour rend évidente la nécessité de témoigner. Ecrire et jouer "Alzheipère" lui permettra d’exprimer sa déchirure.

Lumière dans la salle. Sur la scène, les deux comédiens déambulent. Flottement. Eric De Staercke se décide à préciser la situation. Xavier Benout écrit un spectacle sur les dernières années de son père, victime de la maladie d’Alzheimer. Comme celui-ci n’a plus droit à la parole, lui, le comédien qui l’incarne, tient à survoler sa vie professionnelle. Une courte autobiographie plutôt flatteuse. Né dans une famille pauvre, Jacques Benout était très doué pour les sciences et a multiplié métiers et inventions. Le tempérament rebelle de ce baroudeur l’a poussé à combattre la dictature de Salazar et à participer fiévreusement à la révolte de mai 68. Lorsque Xavier tente de situer le début du déclin, Eric conteste ses interprétations. Refusant d’endosser des rôles ridicules, il quitte le plateau... momentanément. Ce préambule et ces querelles détendent l’atmosphère et annoncent la couleur : pas d’apitoiement !

Retraité, Jacques Benout est allé vivre à Carcassonne, près de sa fille Anne. C’est là qu’on a compris qu’il n’était plus le même. Il avait raté lamentablement un plat de lasagnes, sa spécialité, et refusait de s’incliner devant certaines vérités. Pour lui, une baleine bleue pouvait atteindre 140 mètres de long. Si Internet prétendait qu’elle ne dépassait pas 30 mètres, c’était un complot de la C.I.A. Plus triste : il était incapable de se souvenir que Xavier était marié et avait deux enfants. Ne pouvant plus cohabiter avec Anne, Jacques vit isolé, dans un petit village et sombre dans l’alcoolisme. Un esclandre oblige les flics à l’enfermer dans une maison médicalisée. La promiscuité dans cette "prison" accélère la dégradation. Il ne se contrôle plus et a de la merde jusque sous les ongles. Son fils le lave, mais refuse de confondre le pantalon crotté de son géniteur avec les couches de ses bébés. Agacé par ses supercheries, il tente de rendre son père conscient de sa maladie. Il lui parle vrai, tout en souffrant de son désarroi.

Retenu par son boulot à Vilvorde, il lui téléphone pour qu’il lui raconte sa vie au cantou. Un coup de fil plein de tendresse, qui bute sur l’égarement d’un homme, enlisé dans les mêmes questions et les mêmes réponses. Il avait fui Bruxelles, maintenant il veut retrouver son pays. Durant un voyage épuisant, puis dans sa chambre à Boitsfort, Jacques tourne en rond. Obsédé par l’heure du repas, il ne s’alimente pas, dépérit. Xavier ne peut plus lui offrir que des erzatz de plaisir et réchauffer, par sa présence, un petit reste de vie.

Dans sa mise en scène souple et fluide, Peggy Thomas veille à équilibrer légèreté et gravité. Pour préparer le décor de la scène suivante, Xavier Benout, qui est menuisier, manipule des modules de bois. Comme le dramaturge qui construit sa pièce. Sous son allure de capitaine de pacotille, Eric De Staercke est attendrissant. Dans cette descente aux enfers, il passe sobrement de la mauvaise foi à la soumission, pour se noyer dans la confusion. Le spectacle fait alterner dialogues et récit. L’auteur décrit crûment un mouroir. Il nous entraîne dans ces couloirs qui sentent l’éther et la merde, pour découvrir des hommes et des femmes, condamnés à croupir, bercés par une sinistre mélopée. Révolté par cette absence d’humanité, il pousse un coup de gueule : "Bienvenue au moyen âge moderne, bienvenue dans ce qui nous attend." Cependant l’honnêteté le pousse à donner la parole à la défense. Homme de gauche et de science, son père insiste sur les progrès de la médecine, qui allongent la durée de nombreuses vies. Conséquences : on cherche à réduire les coûts et on impose aux soignants des cadences infernales.

Si la causticité de l’auteur nous incite à rire de certains égarements, sa sincérité nous fait ressentir la fragilité de notre condition. Et l’on comprend la vacuité qui l’habite, dans la chambre mortuaire. En exorcisant son calvaire, Xavier Benout nous propose un témoignage qui nous va droit au coeur.

Jean Campion

Les Riches-Claires