Alice au pays des merveilles Adaptation de J. DOUIEB et Th. JANSSEN, d’après le roman de Lewis CARROLL.

Théâtre | Théâtre Royal du Parc

Dates
Du 20 novembre au 31 décembre 2014
Horaires
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Alice au pays des merveilles Adaptation de J. DOUIEB et Th. JANSSEN, d’après le roman de Lewis CARROLL.

Avec  : Michel CARCAN, Lara HUBINONT, Thierry JANSSEN, Sophie LINSMAUX, Françoise ORIANE, Clément THIRION Mise en scène : Jasmina DOUIEB - Assistanat  : Alexandre DROUET Scénographie : Anne GUILLERAY - Costumes, masques, marionnettes  : Geneviève PERIAT Lumières  : Philippe CATALANO - Musique  : Daphné D’HEUR.

Mot du metteur en scène :
Les mythes ont ceci de particulier qu’ils fascinent et marquent les sens. Ils outrepassent toutes les frontières : culturelles, générationnelles et temporelles. Ils échappent à toutes les réductions, simplifications ou tentatives d’en cerner les contours. Ils partent en fumée sitôt que vous tentez de les saisir. Et pourtant, les histoires qu’ils charrient demeurent fixées dans les esprits, comme des rêves ou des fantasmes. On n’est jamais sûrs de ce qu’ils signifient et pourtant on reste irrémédiablement hypnotisés. Les Aventures d’Alice c’est bien plus qu’un livre pour enfants, c’est un mille-feuilles qui touche au mythe.
Thierry Janssen et moi, camarades de scène de longue date, nous sommes associés pour écrire ensemble une adaptation, ou plutôt une vision théâtrale de ce texte mystérieux et hypnotique. Nous avons voulu interroger le regard de l’adulte sur ses lectures d’enfant et pénétrer dans cet univers par l’objet même du livre. Cette revisite sera une invitation au voyage et au rêve. Le plateau du Théâtre du Parc, cerclé de dorures, semble vouloir rappeler toujours au spectateur qu’on est au théâtre. Pour nous, la scène sera le lieu de toutes les explorations, de tous les possibles du Let’s Pretend (on disait que) imaginé par la petite Alice. Dans ce royaume aux règles indéchiffrables et opaques, les portes ouvrent sur d’infinis jardins, les licornes existent et les lapins portent des montres à gousset … Justement, le Temps. Celui après lequel le lapin ne fait que courir (à moins qu’il ne soit poursuivi par lui ?), celui qui peut se disputer avec les gens et les condamner à rester figés à l’heure du thé, celui qui engendre les métamorphoses du corps, celui qui passe ou ne passe pas, mais qui n’est jamais aujourd’hui, le Temps a été notre fil d’Ariane. Oui, « ici, on est capable de se rappeler les événements avant qu’ils arrivent ». Ici, on va dans les deux sens à la fois, du futur au passé, de la veille au lendemain, de l’effet à la cause. Le non-sens est plus qu’un jeu chez Carroll : il détruit le bon sens « en tant que sens unique ».
La petite Alice est en état de devenir permanent. Ses transformations de taille et donc d’âge - puisque, par ce biais, elle grandit -, brouillent son identité qui devient infinie. Elle est, dans son corps, à la fois hier et demain ; elle est toutes les possibilités d’elle-même réunies dans un même espace temps. Dans cette esthétique du renversement, les contours d’Alice s’effacent. Voici donc une Alice aux contours brouillés, une Alice de 30 ans, sur les pas de son enfance et de son propre imaginaire, à la recherche du sens de sa vie, du sens qu’elle décidera de lui donner. Une créature imaginaire et imaginée, qui prend pourtant ses racines dans de la chair véritable : Alice Liddell, petite fille d’une dizaine d’années, inspiratrice de ce voyage avec son ami adulte, celui qui par le récit des Aventures d’Alice au pays des merveilles, deviendra Lewis Carroll. Muse courant après son créateur au hasard d’improbables rencontres, elle semble enfermée dans cette fiction créée pour elle. Trouvera-t-elle le moyen d’échapper à elle-même et à son refus de laisser le temps couler sur elle ? Une petite fille devenue grande déambule dans ce monde sans parvenir toutefois à jamais le pénétrer totalement. Restée incomplète et sans repères, elle fera dans le Wonderland un dernier voyage littéraire et initiatique, lui permettant sans doute de faire sauter ses verrous.

Infos et réservations : 02/505.30.30 ou www.theatreduparc.be

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Vendredi 28 novembre 2014, par Jean Campion

Pain béni pour les psys

Audacieuse et sereine, l’héroïne de Lewis Carroll est une projection idéalisée de son auteur. De son vrai nom, Charles Dodgson était un homme gauche, mal à l’aise avec les adultes. Les cours que ce professeur guindé "débitait mécaniquement" sécrétaient l’ennui. En revanche, il enchantait Alice Liddell (10 ans) et ses soeurs, en leur racontant des histoires fantastiques, qui deviendront son best-seller. Au pays des merveilles, on est capable de se rappeler les événements, avant qu’ils n’arrivent. On vit à l’envers. Et une muse peut très bien poursuivre son auteur, pour qu’il l’inspire. C’est ce qu’imaginent Jasmina Douieb et Thierry Janssen : Alice, 30 ans, a besoin des conseils de Lewis Carroll.

Enceinte, elle ne se sent pas prête à affronter la vie et veut rencontrer, dès ce soir, son créateur. Impossible. De sinistres gardiens interdisent l’accès de sa chambre. Très maternelle, Abigaël, la vieille gouvernante, tente de rassurer Alice. Celle-ci se pelotonne dans son lit étroit et s’endort. Tout à coup, deux grandes oreilles frémissent et un lapin blanc saute du lit du romancier. Obsédé par le temps qui fuit, il entraîne Alice dans une course folle.

Ce voyage initiatique la rend consciente de son inadaptation au monde. Toujours trop grande ou trop petite, elle a besoin d’aide pour franchir les obstacles. Elle découvre aussi que les habitants du pays des merveilles sont égoïstes et narcissiques. Comme le Bombyx obnubilé par le vieillissement ou la duchesse au groin de cochon, qui lui confie un bébé, après l’avoir copieusement giflé, ou encore la reine de cœur, aussi tyrannique que le roi Ubu. Dans ce "Wonderland", espace et temps sont inversés. On saigne puis on se blesse, on doit s’éloigner du but pour l’atteindre. Parfois le temps se fige. Condamnés à un éternel tea-time, le Chapelier fou et le Lièvre de mars fêtent des "non-anniversaires". Plus gâtée, Alice profitera d’un court répit, dans cette course contre la montre, pour se nourrir des confidences de Lewis Carroll.

Dans leur vision théâtrale de ce "texte mystérieux et hypnotique", Thierry Janssen et Jasmina Douieb, la metteuse en scène, stimulent notre imagination. Avec la précieuse contribution d’Anne Guilleray et de Geneviève Périat, scénographes et costumières. Une marionnette nous fait vivre la très lente chute d’Alice dans le terrier, puis permet à l’héroïne de grandir et de rapetisser à vue d’oeil. On est surpris par l’accoutrement sophistiqué de la chenille, la coquille amusante de Gros coco, la robe évolutive de la Reine ou le miroir qui fige le sourire inquiétant du Chat du Cheshire. Encadrant Sophie Linsmaux, une Alice déterminée et perplexe, cinq comédiens se relaient efficacement pour imposer un rythme soutenu.

Malheureusement cette succession de scènes, souvent courtes, crée un sentiment de frustration. Trop de personnages n’ont pas le temps de prendre corps à nos yeux. On passe d’un paradoxe à un jeu de langage, d’une situation loufoque à une réflexion profonde. Sans entrer dans une histoire attachante. Si les spectateurs jubilent pendant la partie de croquet, c’est parce que l’affrontement entre Alice et la reine est développé. Thierry Janssen peut imposer un personnage monstrueux, qui nous fait rire, en martelant ses "Qu’on lui coupe la tête !". Les clins d’oeil à Freud ou à Lacan montrent que les adaptateurs visent un public adulte. Contrairement à Walt Disney, ils ont respecté l’oeuvre de Carroll, en refusant de l’édulcorer. Ce "pays des merveilles" est plutôt celui de l’étonnement. Alice y fait des rencontres étranges, parfois cauchemardesques. Sans trembler. Peu d’enfants s’identifieront à ce personnage épris de découvertes, mais d’une totale insouciance.

Théâtre Royal du Parc