Vendredi 6 octobre 2017, par Palmina Di Meo

À Moscou ou ailleurs, courrez-y !

Vous n’avez que deux soirées pour découvrir cette composition singulière qu’est “What if they went to Moscow ?” de Christiane Jatahy, dramaturge et cinéaste brésilienne, connue et reconnue pour ses adaptations modernes et innovantes de textes classiques.

C’est le rêve des trois sœurs de Tchekhov qu’elle nous propose de disséquer ici en épuisant les ressources émotionnelles de chaque représentation au moyen de formes artistiques hétérogènes.

Rappelons qu’avec « Les trois sœurs », Tchékhov s’attaque au thème de l’ennui et de la vacuité d’une vie provinciale sans ressorts par le biais des drames personnels de ces trois femmes alors qu’elles se réfugient dans le rêve de revenir à Moscou où elles ont grandi.

Théâtre et cinéma concourent simultanément et en parallèle à isoler cette question : peut-on avoir une emprise sur le temps et peut-on changer le cours de sa propre vie ? Le spectateur est amené à questionner sa réception du drame en cours de représentation alors que les limites des codes auxquels il est habitué sont chamboulées. Intimité cinématographique, évacuation du quatrième mur, démultiplication des points de vue, proximité participative, intromission du hors-champ... C’est à une expérience personnelle que nous sommes conviés autant qu’à un spectacle admirablement interprété par des comédiennes de grand talent. La porosité des supports - cinéma dans le théâtre et saisie de l’instant par la caméra - brouille les frontières entre réel et fiction. À quel moment sommes-nous réellement là, quelle perception avons-nous de la vérité ?
Conçu en deux volets - un volet représentation théâtrale filmée et un volet projection du montage réalisé durant l’entracte - la question nous est retournée : qu’avons-nous réellement vu, de quoi sommes-nous conscients, à quel moment ? Mais aussi, quel impact a sur nous une version « étrangère » de la pièce, dans la langue et le tempérament ?
Au-delà de la performance théâtrale et de la recherche qui l’entoure, le propos de Christine Jatahy se veut universel et politique. Transgresser, reculer les limites, s’exiler et changer sa vie, est-ce de l’ordre de l’utopie et plus encore : changer le monde ?