Un Goncourt possible, à la portée de toutes les bourses.
A lire la presse française, pour autant qu’elle ait quelque influence, il serait étonnant qu’Eric Reinhardt n’empoche pas un des grands prix de l’automne. Il y a bien, autour de lui, quelques talents évidents, mais ils n’ont pas ses atouts : quatre livres au compteur déjà, un profil d’écrivain mi-cultivé, mi-décontracté, et par-dessus tout ça un roman parfaitement formaté pour la victoire.
On se souvient de « Harcèlement », ce film avec Michael Douglas et Demi Moore, inspiré de ce fin renard qu’était Michael Crichton à qui l’on doit à la fois « Jurassic Park » qui inspira Spielberg et « Coma », l’un des plus stupéfiants thrillers fantastiques qui soient, et que Crichton avait d’ailleurs porté à l’écran lui-même.
S’il n’était mort prématurément, Crichton, emporté en plein succès planétaire, nous aurait certainement gratifié d’autres de ses bonnes surprises de derrière les fagots parce qu’à la différence de nombre de ses confrères grands faiseurs, du genre de Grisham par exemple, Crichton ne se répétait jamais.
Dans « Le système Victoria », le nouveau Reinhardt, une femme cadre, responsable RH d’une multinationale, fait, à l’instar de la protagoniste de « Harcèlement », perdre la tête à un subalterne réduit à la condition de sex toy. Reinhardt, qui nous avait donné il y a quatre ans, avec « Cendrillon », une des livres les plus forts de la décennie, dont le titre ne trahissait nullement la dévastatrice mise à plat de notre société déjantée, a revu sa copie. « Cendrillon » était complexe, puisque le roman était tissé de plusieurs intrigues ? Il a simplifié sa structure, et son nouveau récit est parfaitement linéaire. Les personnages de « Cendrillon » étaient si diversifiés qu’ils semblaient n’avoir pas de liens entre eux ? Cette fois, il s’est limité à un binôme élémentaire, au couple fondamental. C’est Adam et Eve au temps des microprocesseurs.
Victoria, on ne sait comment, n’a pas besoin d’excitants ni de calmants pour tenir le rythme de sa vie d’executive woman : elle semble ne recharger ses accus que dans la frénésie sexuelle. Elle a jeté son dévolu sur un chef de chantier, architecte de formation, responsable de l’érection d’une tour du genre de celles qui s’élèvent dans le quartier de la Défense à Paris. Si ce type de responsable de secteur avait encore quelque sens politique, il serait au moins délégué CGT. Mais, pur produit de l’époque, il fonctionne comme si le marxisme avait été une fois pour toutes rangé parmi les vieilles lunes.
A moins que, comme dans le cas de l’ « Ulysse » de Joyce, la clé ne soit dans le titre et que ce soit à nous de faire le travail, de démonter le système victorieux qui nous conduit à l’abyme. Butor n’avait-il pas dit un jour qu’une œuvre était composée de deux parties égales, le texte lui-même et le titre ?
La meilleure moitié du roman des Reinhardt est donc à la portée de toutes les bourses, même de celles, de plus en plus nombreuses, qui ne peuvent plus s’acheter un livre…
Jacques De Decker
Ces deux enregistrements s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des "Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri" interprétées par Eliane Reyes
Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69
Référence : NAXOS 8.572530